Auteur : Charles M. Morin, Ph. D. psychologue, professeur et chercheur à l’Université de Laval de Québec. Directeur du Centre d’étude des troubles du sommeil à l’Institut universitaire en santé mentale de Québec. Lauréat du Prix Marcel-Vincent 2012.
Source : Extrait du livre de « Vaincre les ennemis du sommeil »
Le sommeil et le troisième âge
Le sommeil, tant dans sa quantité que dans sa qualité, évolue avec l’âge. Des troubles du sommeil peuvent apparaître au fur et à mesure que les années avancent. Il existe plusieurs facteurs pouvant expliquer la fréquence plus élevée de difficultés à dormir avec le vieillissement : les problèmes médicaux et émotionnels, les changements dans le style de vie associés à la retraite, la désynchronisation de l’horloge biologique.
Les problèmes médicaux : l’ostéoporose et l’arthrite perturbent le sommeil
La douleur associée à l’arthrite et à l’ostéoporose peut perturber le sommeil, tout comme certains problèmes respiratoires et conditions cardiaques. Plusieurs médicaments utilisés pour traiter ces affections peuvent causer des perturbations du sommeil comme effet secondaire. La plupart des diurétiques amènent les gens à se lever la nuit pour aller aux toilettes.
Le style de vie associé à la retraite peut perturber le sommeil
Les changements dans les styles de vie associés à la retraite peuvent aussi augmenter le risque de perturbation du sommeil. Les sondages démontrent que les personnes retraitées ayant une vie sédentaire éprouvent plus de difficultés à dormir la nuit que celles qui maintiennent une vie active. Pour plusieurs personnes, l’âge d’or est une période privilégiée pour apprécier la vie, voyager et effectuer des activités pour lesquelles elles ne semblaient jamais avoir suffisamment de temps auparavant. Cependant, certains aînés sont mal préparés à la retraite. Ils manquent d’activités régulières et de routines quotidiennes et ils demeurent au lit plus tard le matin alors que d’autres font la sieste pendant la majeure partie de la journée. Certains le font pour compenser la perte de sommeil alors que d’autres apprécient simplement ne pas devoir se lever tôt le matin pour un fois dans leur vie.
Même à la retraite, il faut garder le rythme
Quelle que soit la raison, de telles stratégies échouent souvent en aggravant les difficultés de sommeil, tout comme chez les personnes plus jeunes. conservez une heure de coucher et de lever régulière et ne passez pas trop de temps éveillé dans votre lit. Aussi, réservez le lit et la chambre à coucher pour le sommeil et les activités sexuelles; ne l’utilisez pas comme une pièce de récréation ou comme un endroit pour s’inquiéter et échapper à la monotonie. Si vous faites une sieste, qu’elle soit d’une durée inférieure à une heure, et prise avant 15h l’après-midi.
Avec le vieillissement, l’horloge biologique commence à prendre de l’avance sur son temps de telle sorte que les personnes âgées ont tendance à se mettre au lit plus tôt et à se réveiller plus tôt que lorsqu’elles étaient moins âgées. Ces changements peuvent être appréciés par certains, mais ils peuvent aussi interférer avec la vie sociale de la personne. L’obligation de se lever à une heure régulière pendant plusieurs années de travail est un des facteurs les plus importants pour préserver le synchronisme de notre horloge biologique avec le monde extérieur. Après la retraite, su une personne ne maintient pas un horaire régulier, l’horloge biologique devient désynchronisée, rendant l’individu plus vulnérable aux difficultés de sommeil.
L’influence de la baisse de la température corporelle
Les chercheurs considèrent qu’une partie du problème est due à une diminution des fluctuations normales de la température corporelle. Chez les plus jeunes, la baisse de la température corporelle qui survient vers 23h est fortement liée à la tendance au sommeil. Par contre, chez les personnes plus âgées, cette baisse est inférieure et tend à se produire plus tôt dans la soirée, causant un changement dans leur cycle veille-sommeil.
Les experts du sommeil et du vieillissement considèrent que vous pouvez conserver un bon fonctionnement de votre horloge biologique en établissant une routine quotidienne par l’engagement social et des activités communautaires, en apprenant un nouveau passe-temps, en faisant de l’exercice ou même en effectuant un travail à temps partiel. Combiné avec une pleine exposition à la lumière du jour et des activités extérieures, tout cela peut vous aider à maintenir un rythme constant entre le jour et la nuit et mener à un sommeil plus satisfaisant.
Les facteurs émotionnels
À tout âge, des facteurs émotionnels tels que l’anxiété et la dépression peuvent aussi perturber le sommeil. Chez les personnes âgées, des inquiétudes concernant la santé, la sécurité financière et la crainte d’être placées dans un centre de soins prolongés peuvent interférer avec le sommeil. Parfois, l’anxiété concernant le sommeil lui-même peut transformer ce qui était essentiellement un phénomène relié à l’âge en problème d’insomnie. Un comptable retraité s’inquiétait du fait qu’il dormait uniquement sept heures et qu’il se réveillait un ou deux fois par nuit pendant 10 à 15 minutes chaque fois. Il disait « Je n’ai jamais été malade, je ne suis jamais allé à l’hôpital et je ne comprends pas ce qu’il m’arrive. » Le principal problème état qu’il confondait les changement normaux avec l’insomnie. à 60 ou 70 ans, il peut être irréaliste de s’attendre à dormir une période de huit heures sans interruption. Ainsi, faites attention de garder des attentes réalistes.
Plusieurs changements dans les circonstances de la vie peuvent causer une dépression chez les personnes âgées – des problèmes médicaux chroniques, la solitude et le décès du conjoint ou d’amis. tous ces facteurs peuvent affecter votre humeur et votre sommeil. Un manque de planification adéquate de la retraite peut aussi entraîner l’ennui et même la dépression. Une personne qui a mené une carrière couronnée de succès et qui n’est pas arrivée à développer d’autres sources de reconnaissances et de plaisir peut trouver ardu de s’ajuster à la retraite. vous mettre au lit tôt dans la soirée ou rester au lit tard le matin pour chasser l’ennui ou la solitude n’améliore en rien votre sommeil. Parfois, une personne peut se concentrer exclusivement sur l’insomnie et ne pas reconnaître la dépression sous-jacente. Si vous soupçonnez que la dépression puisse être la coupable, vous n’avez pas à souffrir. Parlez à votre médecin de famille ou consultez directement un psychologue ou un psychiatre.
Troubles du sommeil induit par des maladies dégénératives
Lorsque le processus de vieillissement normal est compromis par une condition neurologique dégénérative telle que la maladie d’Alzheimer, les difficultés à dormir peuvent devenir particulièrement graves. Les signes de détérioration mentale sont parfois plus marqués la nuit. La personne âgée peut se réveiller confuse, désorientée, et errer dans la maison ou même à l’extérieur, encourant des risques importants de blessures. De tels problèmes de sommeil nocturnes peuvent aussi représenter un lourd fardeau pour les gardiens, le conjoint ou la parenté, leur causant aussi une détresse émotionnelle et des difficultés à dormir. à long terme, cela peut ébranler la famille et forcer celle-ci à placer la personne dans un établissement de soins prolongés. Dans les stades avancés de la maladie d’Alzheimer, le sommeil devient même plus perturbé. Une étude a démontré que les cycles de veille-sommeil des patients âgés atteints d’Alzheimer deviennent complètement désorganisés. Ainsi, à chaque heure d’éveil durant la journée était compromise par des épisodes brefs de sommeil alors que chaque heure de la nuit était interrompue par des éveils.
Le danger des somnifères chez les aînés
Au Québec, on estime qu’entre 20 et 25% des personnes âgées de 65 ans et plus possèdent une ordonnance active pour une benzodiazépine, une classe de médicament surtout prescrits pour l’anxiété et l’insomnie. Les utilisateurs chroniques de médicaments sédatifs ou hypnotiques sont souvent des personnes âgées, ce qui leur fait courir un risque plus élevé de dépendance. Même su les problèmes de sommeil augmentent avec le vieillissement, il n’existe aucun somnifère pouvant vous redonner une qualité de sommeil comparable à celle d’une personne de 20 ans.
Les personnes âgées devraient être d’une extrême prudence lorsqu’elles utilisent des somnifères. En raison de leur métabolisme plus lent, elle éliminent les médicaments plus lentement et sont plus sensibles à leurs effets thérapeutiques et secondaires. La somnolence, la diminution des capacités mentales et la détérioration de la coordination physique et des habiletés de conduite automobile sont plus fréquentes et plus sévères chez les aînés. Selon une étude, les personnes âgées consommant des somnifères, particulièrement ceux avec une demi-vie longue, souffrent plus fréquemment de chutes et de fractures de la hanche que les les individus du même âge n’utilisant pas de médicaments pour le sommeil.
Une autre complication des médicaments hypnotiques est qu’ils peuvent aggraver les difficultés respiratoires de l’apnée du sommeil. Aussi, il existe un risque d’interaction indésirables avec les médicaments consommés pour d’autres problèmes physiques. Avertissez toujours votre médecin si vous consommez d’autre médicaments et demandez des renseignements à votre pharmacien à propos des effets secondaires et de l’interaction entre les médicaments.
Troubles du sommeil courant chez les aînés
- Mis à part l’insomnie, il existe un bon nombre d’autres troubles du sommeil qui deviennent plus fréquents avec l’âge :
- Syndrome des jambes sans repos
- Mouvement périodiques des jambes
- L’apnée du sommeil
- Troubles du comportement en sommeil paradoxal
- Syndrome d’avance de phase