Auteur : Brigitte Langevin, formatrice, conférencière et coach pour l’apprentissage du sommeil des enfants. Elle est auteur de plusieurs livres à succès sur le sommeil des enfants et des adultes.
Source : extrait du livre « Aider mon enfant à mieux dormir »
L’adolescence est une période de transformation du corps, de l’esprit et des émotions. C’est également une époque de comportement ambivalents, d’engouements extravagants (habillement, musique, etc.) et de rejet des limites. Chaque adolescent traverse, à sa façon et selon ses moyens, une sorte de grand remue-ménage de toute sa personne. Dans un même temps, il a un besoin particulier de devenir autonome, de prendre ses responsabilités, d’expérimenter et de trouver des repères. Tous ses aspects de son développement vont durement ébranler une des bases essentielles de sa santé : son sommeil.
Les caractéristiques d’un bon sommeil
Si, entre 6 et 12 ans, le sommeil nocturne s’avère de très bonne qualité et comprend beaucoup de sommeil lent profond, il en va tout autrement entre 13 et 16 ans. À l’adolescence, trois phénomènes viennent le bouleverser: un allègement, une insuffisance chronique et un dérèglement progressif.
L’allègement et l’insuffisance chronique : troubles neurophysiologiques chez les adolescents
L’allègement touche le sommeil lent profond. Une étude américaine* a révélé que le temps consacré à dormir et la part de celui-ci qui est occupée paradoxal ne change pas entre 10 et 16 ans, mais que la quantité de sommeil lent profond diminue de 35% au profil d’un sommeil plus léger à partir de 13 ans. Divers testes ont aussi démontré qu’après une nuit de sommeil de même durée les préadolescents ne s’endorment que très rarement durant la journée, alors que les adolescents sont beaucoup plus somnolents.
Ce sommeil plus léger s’accompagne souvent de difficultés d’endormissement. Ces difficultés au deuxième phénomène : une insuffisance chronique de sommeil. L’adolescent connait une situation semblable à un décalage horaire. « Au moment de se coucher à 23 heures, son horloge biologique interne lui dit qu’il n’est que 20 heures. Il ne ressent donc pas le goût ni le besoin d’aller se coucher. Cependant, le lendemain, lorsque le réveil sonne à 7 heures, son corps indique 4 heures du matin** ».
De plus, ses nouvelles habitudes sociales et sa difficulté à s’endormir inciteront l’ado à retarder son coucher, ce qui aggravera inévitablement son déficit de sommeil. Or besoins physiologiques réels de sommeil ne diminuent pas, au contraire : Certains spécialistes avancent que la nécessité de dormir pour un ado est parfois plus grande que pour un pré ado, en raison du bouleversement hormonal qui l’atteint.
Pourtant, on note une réduction marquée de 2 heures de sommeil entre 12 et 20 ans. Pour rattraper ce retard, l’adolescent fait la grasse matinée chaque fois qu’il le peut, en particulier les fins de semaine. Certains parents ignorant ces phénomènes qualifient l’adolescent de paresseux alors qu’il s’agit plutôt d’un véritable trouble neurophysiologique lié à sa puberté.
Le dérèglement progressif dû au conditionnement social
Le troisième phénomène, le dérèglement progressif des temps de sommeil par conditionnement social, est le plus perturbant. L’adolescent aime sortir, regarder la télévision, se coucher tard et bavarder toutes une nuit. Il peut même faire le pari de tenir toute la nuit sans dormir. Le lendemain, il devra dormir jusqu’en fin de matinée et fonctionnera au radar tout l’après- midi. Résultat il ne pourra plus s’endormir le soir venu. Le surlendemain, une baisse notable de vigilance amoindrira son rendement scolaire et il s’endormira probablement pendant les cours, la tête appuyée sur ses bras ou ses mains.
L’adolescence étant une période de changements majeurs en ce qui concerne les aspects physique, affectif et social, le risque de souffrir d’insomnie y est particulièrement élevé. En effet , une étude publiée par l’ Association Sommeil et Santé* établit que 13% des garçons et 17% des filles se plaignent de mal dormir.
Voici quelques-unes des mauvaises habitudes en causes :
- Pratiquer un sport de compétition immédiatement avant d’aller dormir (tennis, football, etc). Le taux d’adrénaline contenu dans le sang au moment du coucher nuit à l’endormissement et à la qualité du sommeil.
- Se préparer une super collation immédiatement avant le coucher. Le diaphragme sera tellement comprimé et la digestion si laborieuse qu’il sera très difficile de trouver le sommeil.
- Se coucher en ressassant tous les problèmes de la journée, à la recherche de solutions potentielles.
- Modifier fréquemment les conditions encourant le sommeil (changer de chambre, de lit, d’éclairage, dormir avec ou sans oreiller, avoir un horaire irrégulier de lever et de coucher, etc.).
Évaluer objectivement la fatigue de l’adolescent et y remédier
Pour tenir le coup et trouver un regain d’énergie, beaucoup d’adolescents auront alors recours aux boissons énergisantes, au café et au tabac. De fil en aiguille, certains glisseront vers les somnifères ou les médicaments qui sont en vente libre dans les pharmacies et dont l’effet secondaire est la somnolence (par exemple le Bénadryl). Peut alors s’ensuivre le recours aux drogues et plus particulièrement aux amphétamines pour leur effet stimulant (speed, ice, crystal meth, ecstasy). Toutefois, la prise de drogues* chez les adolescents est une problématique beaucoup plus complexe que celle qui est abordé ici.
Il vous est possible d’évaluer objectivement la fatigue de votre adolescent. En effet, vous pouvez l’inviter à répondre aux questions du teste de somnolence du chapitre précédent. Un niveau de fatigue extrême se traduira par un indice de somnolence élevé. Si son total est inférieur à 9, félicitez-le. Cependant, si il est supérieur à 15, il est claire que des mesures doivent être prises pour réduire sa dette de sommeil et le rendre plus fonctionnel. Faites-lui alors part des règles qui favorisent un sommeil de qualité.
Les huit règles d’un bon sommeil à l’adolescence
1. Dormir suffisamment
Le sommeil est essentiel pour le cerveau. La somnolence, même légère, nuit au rendement, que ce soit à l’école ou dans les loisirs. Le manque de sommeil peut modifier l’humeur et rendre irritable.
2. Des heures régulières de coucher et de lever
Établir un horaire pour le lever et le coucher et, si possible, le respecter également durant les week-ends. En cas de difficulté à le suivre à la lettre : éviter de s’en écarter de plus d’une heure au coucher et de plus de deux heures au réveil. De Plus, ne pas se permettre des écarts fréquents pour plus de deux nuits consécutives. Pour combattre la somnolence pendant le jour, planifier une sieste en début d’après-midi plutôt que de prendre des excitants (café, cigarettes ou autres).
3. Déterminer le nombre d’heures de sommeil nécessaire pour bien fonctionner
Quand on dort suffisamment, on se réveille en pleine forme et non pas fatigué. La plupart des adolescents ont besoin de neuf à douze heures de sommeil chaque nuit. Ajuster l’heure du coucher en conséquence. (heure du levée – heures nécessaires au repos = heure du coucher)
4. S’exposer à la lumière vive dès que possible le matin, mais l’éviter en soirée
L’intensité de la lumière indique au cerveau quand se réveiller et quand se préparer à dormir.
5. Respecter son rythme circadien
Le jour de vrai être consacré aux activités stimulantes et les soirées aux occupations calmes demandant moins de vigilance, et non l’inverse.
6. Éviter tout stimulant après le repas du soir
Les stimulants les plus fréquents sont les boissons énergisantes (par exemple le Red Bull), le tabac, le café, le chocolat, le cola ou tout produit alimentaire contenant de la caféine. Évidemment, il faut s’abstenir de prendre de l’alcool*. Il favorise la détente dans un premier temps, mais engendre ensuite un sommeil léger et ponctué de nombreux et infimes moments d’éveils la nuit durant. Le lendemain, les performances intellectuelles seront altérées en fonction de la quantité d’alcool ingéré.
7. Se détendre avant d’aller au lit
Éviter les lectures énervantes, comme les romans d’épouvante, les jeux d’ordinateur dans l’heure qui précède le coucher. Ne pas s’endormir devant la télévision. Même un contenu léger stimulera le cerveau et empêchera un sommeil récupérateur. Ne pas travailler de nuit.
8. Dire non aux nuits blanches
Se coucher tard perturbe la composition du sommeil et empêche d’être alerte le jour suivant. La meilleure façon de se préparer à un examen, c’est de dormir suffisamment. Ceux qui font des nuits blanches ou qui se couchent à des heures tardives en fin de cession ou la veille d’un examen semblent studieux et mieux préparés, mais ils sont susceptibles de s’épuiser. Une étude scientifique menée à l’université de Peterborough en Ontario a démontré que le sommeil est le moment où la mémoire intègre et consolide toutes les connaissances acquises pendant la journée. Le fait de dormir une nuit complète après un apprentissage permet de bien l’intégrer et d’améliorer ses performances de 25 %.
Évidemment, le plus gros du travail sera de persuader votre ado qu’il est nécessaire de suivre ces règles et que ses troubles du sommeil ont des conséquences néfastes sur ses journées et ses performances intellectuelles. À vous de revenir à la charge afin qu’il comprenne vraiment toutes ces conséquences.
Pièges à éviter : un couvre-feu sans heure de lever
Les soirées entre copains, les sorties tardives, les films de fin de soirée et autres habitudes sociales typiques de l’adolescence dérèglent le rythme de veille-sommeil et peuvent être à l’origine d’un véritable décalage horaire. En guise de solution, convenir d’un couvre-feu pour les vendredis et samedis soirs est certes une bonne initiative, mais elle est insuffisante. Il faut aussi exiger de lui qu’il se lève à une heure raisonnable le samedi et le dimanche, c’est-à-dire avant 10 heures et non en après-midi. L’aide du parent (le réveiller) et la collaboration du jeune (se lever aussitôt réveillé) sont cruciales pour qu’il s’endorme plus facilement le dimanche soir et pour qu’il ne gâche pas le lendemain, sa journée d’école par une somnolence excessive.
Évidemment, durant la semaine, l’adolescent doit déjà se coucher à une heure raisonnable. Afin de le contraindre à respecter la règle du lever le week-end, faites-lui signer une entente écrite et précisez une conséquence logique s’il ne respecte pas son engagement. Par exemple, il pourrait être privé de sorties avec ses amis le week-end suivant.
Si voter adolescent s’endort toujours au-delà de 2 h du matin, il présente un véritable décalage horaire. Dans ce cas, son réveil spontané devrait survenir aux alentours de midi ou plus tard encore. S’il n’a pas de contrainte horaire, comme c’est le cas durant les vacances, sont problème sera moins apparent puisque la durée de son sommeil sera normale. Par contre, l’obligation de se lever le matin pour se rendre à l’école deviendra extrêmement pénible pour lui, étant donné son peu de sommeil nocturne. Comment remédier au décalage de votre ado ? Rassurez-vous : il pourra retrouver un horaire de sommeil normal grâce à une chronothérapie qui s’échelonnera sur 6 ou 7 jours.
Stratégie : La chronothérapie pour réguler l’horaire de sommeil
La méthode consiste à décaler progressivement son horaire de sommeil, en retardant son coucher et son lever de trois heures chaque jour (oui, vous avez bien lu !), jusqu’à ce que son horaire de sommeil revienne à la normale. Ainsi vos proposez à votre adolescent de se coucher chaque soir un peu plus tard (cela ira dans le sens qu’il préfère) et il trouvera ce décalage horaire progressif tout à fait supportable.
Prenons l’exemple d’un adolescent habitué à se coucher à 2 h du matin. En entreprenant ce programme un vendredi, les lundis et mardis seront ses seules journées d’absence à l’école. Que pèse le sacrifice de ces deux jours de scolarité s’il épargne à votre adolescent des mois de somnolence ?
Pour illustrer cet exemple, voici un table des horaires de coucher et de lever pour la durée du programme.
Horaires de coucher et de lever
Selon son horaire | Coucher 2 h | Lever 12 h 30 |
---|---|---|
Vendredi, nuit 1 | 5 h | 15 h 30 |
Samedi, nuit 2 | 8 h | 18 h 30 |
Dimanche, nuit 3 | 11 h | 21 h 30 |
Lundi, nuit 4 | 14 h | 24 h 30 |
Mardi, nuit 5 | 17 h | 3 h 30 |
Mercredi, nuit 6 | 20 h | 6 h 30 |
Jeudi, nuit 7 | 22 h | 8 h 00 |
Et la partie est gagnée !