Le cycle veille/sommeil chez les aveugles
mars 2012
Cet article parle du cycle veille/sommeil chez les aveugles et du syndrome de librecours.
Les mécanismes du cycle veille/sommeil
Chez les êtres humains, la qualité de vie et au-delà, la capacité à être alerte, de bonne humeur et performant dépend d’un bon équilibre entre la durée et la qualité
du sommeil et l’activité diurne. Le cycle veille/sommeil est géré par deux systèmes indépendants: le système homéostatique détermine la quantité de sommeil dont
nous avons besoin, alors que le système circadien gère, entre autres choses, l’heure de l’endormissement et de l’éveil.


Le système circadien, également appelée horloge biologique, fonctionne avec une périodicité propre à chaque personne et qui peut varier de 23,9 à 25 heures, voire
26 heures dans les cas extrêmes. Pour que le système circadien reste calé sur une période de 24 heures, il est nécessaire qu’il soit resynchronisé par un signal
extérieur. Le principal de ces signaux est le changement de lumière nuit/jour et jour/nuit.
Alors qu’en est-il du sommeil et de la veille chez les aveugles et en particulier, chez ceux qui sont sans perception lumineuse?
Les troubles du sommeil chez les aveugles
Le Professeur Damien Léger, dans une étude faite en France, portant sur plus de 1000 personnes aveugles a montré que les plaintes relatives à certains troubles du
sommeil sont plus élevées chez les aveugles que chez les voyants. Il s’agit en particulier de plaintes concernant les réveils nocturnes avec difficultés de réendormissement, les durées de sommeil trop courtes, les réveils trop précoces, la qualité médiocre du sommeil et les difficultés d’endormissement. Environ 35% des
aveugles de cette étude se plaignaient d’insomnie, contre seulement 26% des personnes voyantes composant un groupe témoin. Les aveugles de cette même étude prenaient presque deux fois plus fréquemment des somnifères que le groupe témoin de personnes voyantes. Les aveugles se plaignaient plus fréquemment de
somnolence diurne que les voyants et ils étaient plus nombreux à dire qu’ils faisaient au moins une sieste par jour. Enfin, les troubles du sommeil seraient encore plus fréquents chez les personnes totalement aveugles, sans perception lumineuse. Ainsi dans une enquête faite aux Etats-Unis, auprès de plus de 1000 aveugles sans perception lumineuse, 75% d’entre eux se plaignaient d’un ou de plusieurs des problèmes suivants: difficultés d’endormissement, difficultés pour rester endormi, pour rester éveillé et/ou des problèmes de sieste.
Parmi ces personnes complètement aveugles et qui avaient un trouble du sommeil, le syndrome de libre-cours (voir ci-dessous) a été confirmé chez plus de 70% lors
de la présélection pour une étude clinique à laquelle elles avaient décidé de participer. En outre, 50% de ces patients souffraient d’une nuit presque blanche
(moins de 2 heures de sommeil) l’équivalent d’une fois par mois. Ces données montrent la gravité des problèmes de sommeil de ceux qui sont affectés et la prévalence importante du syndrome de libre-cours parmi les individus qui n’ont pas de perception lumineuse.
La période de la veille chez les aveugles
Steven Lockley, Professeur Associé à la faculté de médecine de Harvard, a montré que la capacité à être alerte, l’humeur et la performance chez les aveugles avec un
rythme circadien normal étaient semblables à celles observées chez les personnes voyantes. Par contre, pour les aveugles en libre-cours, qui ont leur sommeil de nuit
très décalé avec leur rythme circadien, la période de veille dans la journée correspond à leur nuit biologique. Malheureusement, cette opposition de phase entre le cycle veille/sommeil et le rythme circadien peut se prolonger pendant de nombreuses semaines, se traduisant par un sommeil non réparateur, une humeur dégradée et une incapacité à être performant. C’est aussi ce qu’a rapporté la journaliste médicale Lynne Lambert, qui a rédigé une série d’articles sur des aveugles atteints du syndrome de libre-cours, qu’elle a interrogés. Ces personnes aveugles lui ont raconté leur mal à rester éveillé le jour. Elles sont fatiguées à différents moments de la journée, avec parfois une envie de dormir incoercible. Mais qu’est-ce que le syndrome de libre-cours ?
Le syndrome de libre-cours
Ce trouble mis en évidence pour la première fois en 1970 se caractérise entre autres par des retards progressifs des horaires d’endormissement et d’éveil. Selon
la périodicité naturelle du système circadien, le décalage répétitif du cycle veille/sommeil peut être d’une heure par jour chez certaines personnes alors qu’il
est de quelques heures par semaine, voire par mois, chez d’autres. La conséquence est qu’une personne en libre-cours passe par des longues phases où elle s’endort à
des horaires très décalés, provoquant ainsi des insomnies cycliques intenses et des somnolences diurnes éprouvantes (voir ci-dessus). En réalité, dans beaucoup de cas, le syndrome de libre-cours est difficile à diagnostiquer par le patient lui-même, voire par un médecin, à moins qu’il ne soit un spécialiste du sommeil averti. Les personnes souffrant du syndrome de librecours passent souvent plusieurs années avant de réaliser que leur sommeil est déréglé de façon cyclique, comme l’indiquent des témoins interrogés par Lynne Lamberg dans sa série d’articles sur le syndrome de libre-cours. Ceci est dû au fait que les symptômes sont souvent confondus avec d’autres troubles du sommeil ou de la veille, et à la difficulté de reconnaitre leur nature cyclique. Ensuite, même quand ils savent bien décrire leur problème, les patients atteints de libre-cours doivent trouver un médecin suffisamment spécialisé dans ce trouble du sommeil pour savoir le diagnostiquer.
Des spécialistes du syndrome de libre-cours ont mis en évidence que ce syndrome est très probable chez les aveugles à deux conditions:
• Que la personne soit totalement aveugle,
• Et qu’elle ait des insomnies et des épisodes de sieste récurrents
La prévalence du syndrome de libre-cours chez les aveugles dépourvus de toute perception lumineuse peut atteindre, selon certaines études jusqu’à 50 à 70%.

 

Les solutions au syndrome de libre-cours

Dès le début des années 2000, plusieurs spécialistes du sommeil ont montré que des personnes souffrant du syndrome de libre-cours pouvaient resynchroniser leur
rythme circadien en prenant régulièrement de la mélatonine, avant leur heure normale de coucher. En France, si la mélatonine peut être utilisée lors d’études de
recherche et sous prescription médicale, elle n’est pas commercialisée. Il n’existe pas non plus en France de médicament approuvé pour la resynchronisation du
rythme circadien. Depuis plusieurs années, le laboratoire Vanda Pharmaceuticals Inc. développe le tasimelteon, un régulateur du rythme circadien, qui cherche à soigner le syndrome de libre-cours. Des études en ce sens sont actuellement menées aux Etats-Unis, en France et en Allemagne. Vanda a récemment annoncé que le tasimelteon avait montré pour la première fois qu’il avait resynchronisé l’horloge biologique sur une journée de 24 heures chez des patients souffrant du syndrome de libre-cours. Comme indiqué précédemment, les symptômes du syndrome de libre-cours sont souvent difficiles à identifier, et il est fort probable que de nombreuses personnes souffrant du syndrome de libre-cours l’ignorent. Si vous êtes aveugle, totalement dépourvu de perception lumineuse et souffrez de troubles du sommeil, et si vous souhaitez améliorer la qualité de votre sommeil, vous pouvez contacter votre médecin spécialiste du sommeil et peut-être dépister l’existence d’un syndrome de libre-cours.

 

Pour vous orienter sur le syndrome de libre-cours, vous pouvez consulter le site
www.24sleepwake.com dédié à ce syndrome.
Enfin, nous avons préparé un CD que vous pouvez vous procurer gratuitement en le  demandant par mail à docteur.quera@gmail.com

www.ceciaa.com/newsletters/infosmail/IM85/Article%20Cycle%20Veille_Sommeil%20A
veugles%20020612%20V5%20sans%20refs.doc – –